Moi je
« Julie, je t’aime, mais tu n’apprendras rien : j’ai dû te le dire 35 282 fois depuis qu’on s’est embrassés la première fois. Et je voudrais faire l’amour avec toi, j’ai tout le matériel. »
Après avoir jeté de nombreux brouillons, Doriand envoie enfin une lettre à Julie. Les jours qui viennent seront capitaux, essentiels, vitaux. Doriand se pose des dizaines de questions telles que : Julie va-t-elle répondre ? Julie pense-t-elle comme lui que le moment est venu ? Et surtout, Julie l’aime-t-elle profondément, passionnément, à la folie, ou tout simplement autant qu’il l’aime ?
C’est dans ce moment de réflexion particulièrement angoissant que le père de Doriand choisit de devenir infréquentable. Un père copain, écrivain et célibataire, c’était déjà pénible, mais voilà que, le dit père vient d’entamer une psychanalyse avec un certain Robert et qu’il se métamorphose.
Doriand souhaiterait simplement oublier ces changements perturbants et se concentrer sur Julie. Mais voilà que Julie n’est plus la même.
Arnaud Cathrine à propos de Moi je :
Un fils et un père vivent seuls sous le même toit. Le premier ne pense qu’à une chose : faire l’amour pour la première fois avec Julie alors que le second, envoûté par sa psychanalyse, n’a plus que ces mots à la bouche : Moi je… Moi je… Arnaud Cathrine excelle dans un roman décapant où l’autodérision interroge chacun d’entre nous.
Qui est ce personnage d’écrivain, père du narrateur ?
Une caricature de l’écrivain que je pourrais devenir. Dans le cas où je me mettrais à filer un mauvais coton. Heureusement, j’ai entrepris une psy qui devrait m’en préserver ! Dans le roman, les titres de livres de l’écrivain sont tous mes titres détournés.
Et Doriand, le jeune narrateur ?
C’est le fils imaginaire que je pourrais avoir si j’étais cet écrivain disjoncté. C’est un personnage qui regarde faire ma caricature. Tous les portraits sont réflexifs et renvoient les uns aux autres, dans une forme de dérision.
Et ce Moi je ? Est-ce un troisième personnage imaginé par le fils ?
Moi je est infréquentable, c’est évidemment un clin d’œil à la psychanalyse. C’est aussi l’ego très fort du père qui, jusqu’à présent, avait essayé de tout contrôler dans sa vie, puis c’est celui du fils qui crie et demande à vivre et surtout à coucher avec Julie.
Ce sera la première expérience sexuelle, heureuse et bien vécue, décrite dans un de mes livres. Doriand est obsédé par le fait de coucher avec Julie car, pour lui, c’est le seul moyen de savoir si elle l’aime ou pas, ça devient une idée fixe.
Dans sa peur de l’échec, le fils ressemble à son père ?
C’est ce qui rapproche le père et le fils. Doriand a peur d’échouer comme son père et d’être incapable de vivre une relation amoureuse épanouie. Il lui faudra couper un lien pour échapper à ce qui lui semble une fatalité. Je veux croire et écrire qu’il n’y a pas de déterminisme, qu’on peut s’inventer une famille en dehors des liens du sang. On n’est pas condamné à ressembler à ses parents, on ne serait pas le produit de nos ascendants. La psychanalyse aide à sortir aux forceps de sa famille, même si c’est douloureux, c’est souvent nécessaire.